Dans le Ventoux, certains chasseurs réclament l’extermination du loup.
Dans le delta du Danube, certains pêcheurs veulent éliminer les pélicans.
Deux lieux, deux cultures, deux paysages…
Et pourtant, le même réflexe :
désigner un animal comme responsable de nos difficultés.
Mais ce que nous voyons là n’est pas un problème local.
Hélas, c’est un phénomène mondial !

1. Ventoux : le loup, ce bouc émissaire commode
Dans le Ventoux, le loup est accusé de tout :
d’exterminer ou de faire fuir le gibier, de menacer les troupeaux (ou les enfants), de bouleverser un équilibre fragile.
Pourtant, partout où le loup est revenu, de la Scandinavie aux Rocheuses, un constat s’impose : les écosystèmes se réparent.
Le loup régule les populations d’ongulés, rend les forêts plus dynamiques, limite les maladies, favorise la diversité végétale et même animale.
Il n’est pas l’ennemi du Ventoux : il en est l’un des architectes invisibles : on vient de voir réapparaitre les vautours.
L’éliminer, ce serait fragiliser davantage un territoire déjà sous pression climatique.

2. Danube : le pélican, l’oiseau accusé de tous les torts
À des milliers de kilomètres de là, dans le delta du Danube, une autre scène se joue.
Ici, ce n’est pas le loup, mais le pélican qui est placé au banc des accusés :
« Il vole le poisson », dit-on.
Or les études sont claires :le pélican prélève une infime partie des ressources halieutiques.
La vraie menace vient de la surpêche, de la pollution, de la disparition des frayères.
Et pourtant, c’est l’oiseau que l’on pointe du doigt.
Alors même qu’il joue un rôle clé dans l’équilibre des zones humides, dans la dispersion des nutriments, et même dans l’attractivité touristique d’un site classé au patrimoine mondial.
Détruire le pélican reviendrait à affaiblir le Danube… et donc les pêcheurs eux-mêmes.

3. Ailleurs dans le monde, le même scénario se répète
En Afrique de l’Est, certains éleveurs veulent éliminer les éléphants.
En Amérique, on tire sur les lions de mer et les coyotes.
En Asie du Sud-Est, on fait disparaître les orangs-outans pour planter des palmiers à huile.
Chaque fois, la même logique :
la nature serait un obstacle à la réussite humaine.
Et chaque fois, le même résultat : la destruction de la nature finit par détruire les conditions mêmes de la vie humaine.

4. Le vrai problème : un profond malentendu
Nous pensons parfois que la nature agit contre nous.
Mais soyons honnêtes : c’est nous qui avons affaibli les écosystèmes par nos excès.
Nous accusons le loup, mais ce sont nos modes de chasse et d’aménagement qui déséquilibrent la faune.
Nous accusons le pélican, mais ce sont nos pratiques de pêche qui vident les rivières.
Nous accusons les éléphants, mais ce sont nos cultures qui empiètent sur les corridors migratoires.
Autrement dit : ce que nous reprochons aux animaux n’est souvent que le reflet de nos propres choix.

5. Pourquoi détruire la nature se retourne toujours contre nous
Chaque fois que nous supprimons un prédateur, un grand herbivore, un oiseau, une forêt, nous supprimons en réalité un service essentiel :
- Les prédateurs contrôlent les maladies.
- Les oiseaux piscivores signalent la qualité des eaux.
- Les éléphants régénèrent les paysages.
- Les forêts purifient l’air et l’eau.
- Les insectes pollinisent nos cultures.
La nature travaille pour nous, en silence, gratuitement.
Quand nous l’affaiblissons, nous augmentons nos coûts, nos risques, nos problèmes.
6. La solution : coopérer avec le vivant, pas le combattre
Il ne s’agit pas de sanctuariser la nature contre l’homme.
Il s’agit de comprendre que nous sommes plus forts lorsque nous jouons avec elle, pas contre elle.
Des solutions existent partout :
- chiens de protection pour les troupeaux,
- gestion durable de la pêche,
- réhabilitation des zones humides,
- corridors écologiques,
- compensations justes,
- formation, concertation, co-gestion.
Lorsque ces approches sont mises en œuvre, quelque chose d’extraordinaire se produit : les écosystèmes se réparent…et les activités humaines prospèrent.
Conclusion : La nature n’est pas le problème — elle est la solution
Le Ventoux a besoin du loup.
Le Danube a besoin du pélican.
Et partout, l’humanité a besoin de la nature pour continuer à vivre dignement.
La question n’est donc plus :
« Comment éliminer ce qui nous gêne ? »
La vraie question est :
« Comment réapprendre à vivre avec ce qui nous sauve ? »
Car en protégeant le vivant, c’est notre avenir que nous protégeons.
Et cela, nulle autre espèce ne peut le faire à notre place.



